Petite nouveautée....

Le doigt levé

Dimanche a été une belle journée. Il a fait beau pour un mois d'octobre, après tout, l'hiver se pointe, et en plus, Echirolles a gagné ses deux matchs. A l'arrachée, ce qui donne aux joueurs comme aux supporters le sentiment que la victoire est encore plus belle, plus méritée. C' est la première fois de la saison que les deux équipes sortent du terrain la tête haute et le visage rayonnant.

Un détail, si l'on peut le qualifier ainsi, me chagrine. Me chagrine d'autant plus que j'en suis l'auteur. Ce doigt levé, au point culminant du match, quand nous arrachons la victoire, me tourmente chaque jour. Trois nuits après, je n'arrive pas à comprendre pourquoi j'ai tendu le majeur, attitude que je condamne, attitude anti-rugby, allez disons le, attitude de footeux.

Alors oui, si je creuse, je peux expliquer, échafauder... tout le match avec mon vis-à-vis on s'est monté la tête. Mais ça n'appelait pas un bras de déshonneur. J'ai une vie privée tendue, une vie « professionnelle » moribonde... mais qu'est-ce que ça vient foutre sur le pré ? Je suis schizophrène doublement affligé du syndrome de Tourette, j'ai toujours rêvé d'être un gangsta-rapper comme Eminem, c'est pas moi c'est les extra-terrestres... Voyez, quand je veux, j'en trouve des raisons.

Des raisons toutes irrecevables. A moins que. Au fond, la motivation profonde de ce geste, son destinataire réel, plus que les hommes en jaune en face, c'était la poisse, la malchance qui nous collait au cul depuis quelque temps déjà. C'étaient ces deux défaites précédentes, infligées par des équipes contre lesquelles on ne devait, on ne pouvait pas perdre, et qui nous ont fait baissé la tête. Qui sait si, finalement, je n'ai pas levé le doigt à ceux qui des gradins disaient déjà de nous qu'on avait gâché la saison. A ceux qui dans l'équipe considèrent les matchs perdus dès les premiers points encaissés, comme ils croient le match fini dès les premiers points mis. Ceux qui croient que louper un placage n'a pas de conséquences car il y a toujours un autre pour le faire à leur place. A ceux qui râlent, ceux qui pleurent, qui parlent et disent faire mieux mais qu'on attend toujours. A ceux qui de la touche ont oublié que jouer son match c'est autre chose que le commenter.

Peut-être, et je me montre aussi présomptueux que j'ai été con avec ce doigt, peut-être n'ai-je fait que dévoiler l'état d'esprit d'une équipe qui n'a pas le sentiment d'exister en tant que telle, parce que de dimanche en dimanche elle change de visage... Si tel est le cas, les prochaines rencontres seront du même acabit, âpres, disputées et remportées. Et au lieu de lever le majeur, je lèverai les bras, pour applaudir.